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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

brir. À ce moment, dit M. Morigny, on aurait entendu voler une mouche. « Messieurs, — se résigna à émettre le principal — voici le sujet ; je dicte… Abd-el-Kader !…  » Et, tandis que, soucieux, il repliait le papier et descendait de chaire, un des élèves remarqua : « Mais ce n’est que le titre, cela. Et le canevas ? »

— Messieurs, il n’y a pas de canevas.

— Nous sommes trahis ! exclama Rimbaud ; et il retomba aussitôt dans un mutisme absolu. Désespérés, les camarades récriminèrent alors amèrement. C’est en vain que le surveillant les exhortait, leur remontrant que si le sujet était difficile pour eux, il l’était également pour les élèves des établissements rivaux. Ni leur amour-propre piqué, ni leurs efforts pour traiter le sujet n’arrivaient à un résultat.

Rimbaud, toujours immobile et muet, paraissait dormir. Tous les regards obliquaient vers lui, soupçonné seul capable de sauver, dans la circonstance, l’honneur du collège de Charleville.

À neuf heures, M. Desdouets revint en classe. Il voit les concurrents se mordre les ongles et stérilement s’évertuer. Son regard se pose sur Arthur Rimbaud. Celui-ci, toujours inerte, semble, décrit l’abbé Morigny, réduit à l’état de fakir. « Quoi, Arthur ! — insinue le principal