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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

vous envoie des vers ; lisez cela un matin, au soleil, comme je les ai faits vous n’êtes plus professeur, maintenant, j’espère !…

… [partie déchirée[1]]… vouloir connaître Louisa Siefert, quand je vous ai prêté ses derniers vers ; je viens de me procurer des parties de son premier volume de poésies, les Rayons perdus, 4e édition. J’ai là une pièce très émue et fort belle ; Marguerite :

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Moi j’étais à l’écart, tenant sur mes genoux
Ma petite cousine aux grands yeux bleus si doux
C’est une ravissante enfant que Marguerite
Avec ses cheveux blonds, sa bouche si petite
Et son teint transparent…
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Marguerite est trop jeune. Oh ! si c’était ma fille,
Si j’avais une enfant, tête blonde et gentille,
Fragile créature en qui je revivrais,
Rose et candide avec de grands yeux indiscrets !
Des larmes sourdent presque au bord de ma paupière
Quand je pense à l’enfant qui me rendrait si fière,
Et que je n’aurai pas, que je n’aurai jamais ;
Car l’avenir, cruel en celui que j’aimais,
De cette enfant aussi veut que je désespère.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Jamais on ne dira de moi c’est une mère
Et jamais un enfant ne me dira : maman !
C’en est fini pour moi du céleste roman
Que toute jeune fille à mon âge imagine.
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
— Ma vie à dix-huit ans compte tout un passé.

  1. Note wikisource : dans la partie déchirée, on doit lire : « Vous aviez l’air de ». Voir Arthur Rimbaud – Œuvres, des Ardennes au Désert, Pocket Classiques, édition établie par Pascaline Mourier-Casile, 1990/1998, ISBN 2-266-08276-0.