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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

collecte est faite au profit du jeune homme, de mine plus enfantine que nature, et si passionnée et si touchante ! Aussitôt qu’il a l’argent en main, il le restitue en régalant tout le monde. Voulait-il par là, lui « plus pauvre que le meilleur des mendiants », donner la preuve de son manque absolu de soucis égoïstes ?

Enrôlé dans les « Tirailleurs de la Révolution », il fut logé à la caserne de Babylone. C’était en mai. Le désarroi régnait à l’Hôtel de Ville. On négligea d’équiper la foule de déserteurs versaillais et autres nouveaux adhérents qui devaient former ce corps de tirailleurs. Rimbaud, à son grand chagrin, ne put assister qu’en acteur caserné à l’effroyable fantasmagorie de la guerre civile. Durant une quinzaine de jours, à Babylone, il ne vit guère de ses yeux de chair que des « scènes de saouleries », disent MM. Bourguignon et Houin. Mais ces scènes le firent souffrir singulièrement dans sa délicatesse sensorielle et cordiale, s’il faut s’en rapporter à ces vers symboliques, qu’elles inspirèrent :


LE CŒUR VOLÉ[1]


Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur couvert de caporal :

  1. La version que nous donnons ici de cette pièce, titre