Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/104

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C’est luy seul qui touchant l’esprit d’un si grand roy,
Quand moins on l’attendoit, l’a fait venir à soy
Par le chemin tracé du seul pas des fidelles.
Signe que c’est luy seul qui nous peut secourir
Lors que pour nous sauver du danger de perir,
Inutile est l’effort des puissances mortelles.
Ô que ce changement non preveu des mutins
Changera desormais le cours de nos destins,
Nous guidant au laurier par une heureuse voye !
Non, je n’oserois plus defendre à mes desirs
L’espoir de voir nos maux se tourner en plaisirs,
Et nos pleurs de tristesse en des larmes de joye.
Maintenant verrons nous le bras de l’eternel
S’armer pour nostre cause, et d’un soin paternel
Estendre sa faveur dessus nos entreprises,
Les efforts ennemis de pretexte manquer,
Et l’orgueil espagnol ne sçavoir plus masquer
D’aucun fard de raison ses injustes feintises.
Car que diras-tu plus insolente Enyon,
Ce prince ayant quitté l’aveugle opinion
Receuë és tendres ans de sa jeune ignorance,
Que seule tu disois oster à sa valeur
Le bien que luy donnoient en despit du malheur
Les droits de la nature, et les loix de la France ?
Maintenant c’est un roy de tout poinct accomply,
Qui dans un cœur royal de vaillance remply
Ne va plus rien logeant que des graces royales :
Et qui pour son royaume auroit tout l’univers,
Si la main qui le ceint de lauriers tousjours verds
Rendoit à sa valeur ses conquestes égales.
Ah ! Que mon triste cœur justement souspiroit,
Quand loin du droit chemin son ame s’égaroit
Apres l’illusion qu’elle a trente ans suivie,
Par l’ombre de la mort laissant errer ses pas