Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ayez escrit au cœur d’une encre perdurable,
Que tout vice fleurit sous un prince trop doux :
Et qu’en fin on se rend également blasmable,
Ne pardonnant à nul, et pardonnant à tous.
Mais ne commets-je point une faute pareille
À celle d’une lampe éclairant au soleil ?
Quoy, faut-il qu’un grand roy que Dieu mesme conseille,
D’une langue mortelle écoute le conseil ?
Ô sire, pardonnez à ce cœur temeraire
Par les clemens lauriers dont le ciel vous fait don :
J’aurois tort d’essayer à vous rendre severe,
Puis que mon imprudence a besoin de pardon.
Vous avez dedans vous pour un secret oracle
Qui conseille vostre ame et conduit ses desseins,
Vostre juste prudence, et l’heur qui par miracle
A conservé le sceptre elevé dans vos mains :
Suivez-en les conseils ; et l’eternel monarque
Qui rend vostre trophee orné de tant d’escus,
Face que desormais sans douleur on remarque
La bonté du vainqueur au salut des vaincus.
Cependant bannissez loin de vostre pensee
Le triste souvenir de leur fatale erreur :
C’est assez qu’un remords de la faute passee
Leur en cause dans l’ame une secrette horreur.
Il falloit que pour voir quel est vostre courage,
De ces tragiques maux vostre esprit fust battu ;
La peine de calmer un moins cruel orage
N’estant pas un sujet digne de sa vertu.
Ne vous lassez donc point de voir la France armee
Exercer si long temps vostre heureuse valeur :
Les palmes qui pour fruit portent la renommee
Ne croissent qu’en des champs de peine et de douleur.
Que si par des travaux consacrans la memoire
Un nom se veit jamais fleurir en mille lieux,
Ces malheurs fourniront d’ailes à vostre gloire
Pour s’élever de terre et voller dans les cieux.