Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/112

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 ne sçaurois plus voir la pompe de mes temples,
Ny l’aise de mon peuple en mon sein fourmillant,
Sans voir luire à mes yeux cent glorieux exemples
De la douceur qui regne en un cœur si vaillant :
Mille murs foudroyez serviront de trofee
À la juste fureur de ton bras indomté,
Mais les miens conservez et mon hydre estoufee
En serviront sans cesse à ta rare bonté.
Le ciel vueille assister la valeur de tes armes,
Grand roy qui conjoignant la force au jugement,
Sçais si vaillamment vaincre és plus sanglans allarmes,
Et puis de la victoire user si doucement.
Bien monstrent tes effets (prince nay pour estaindre
Les flames qui souloient la France consumer)
Que ny ton ennemy ne peut assez te craindre,
Ny ton sujet loyal ne peut assez t’aymer.
Ainsi dit tous les jours souspirant vostre absence
Le daemon gardien des grands murs de Paris :
Ainsi dit mainte ville en qui vostre clemence,
Du cours de ses malheurs les surgeons a taris :
Ainsi maints boute-feux de la flame civile,
Qu’un si doux traittement oblige à vos bontez,
Qu’estre domptez par vous leur est autant utile,
Comme à vous glorieux de les avoir dontez.
Croissez en ceste gloire, ô l’honneur des bons princes :
Vainquez et pardonnez, le ciel le veut ainsi :
Puis si tousjours ce mal travaille vos provinces,
Vainquez et punissez, le ciel le veut aussi.
Ne faites point qu’encor nous voyons en vous-mesme
(pour estre de Cesar trop grand imitateur)
Ces effects de clemence et de douceur extrême,
Conserver tout le monde, et perdre leur autheur.
La clemence est pour ceux que l’aveugle ignorance,
Ou la juste douleur en la faute a poussez :
Non pour ceux qui conduits d’une impie esperance,
Arment d’ingrats desseins leurs desirs insensez.