Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/115

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Qu’on nous a veus souvent pallir au moindre bruit
Qui d’un sanglant combat nous depeignoit l’image,
Sçachant bien qu’és perils où l’honneur le conduit,
Il n’a point d’ennemy plus grand que son courage.
Tantost nostre adversaire estonnoit nos esprits
Du superbe appareil de sa puissante armee :
Tantost quelque sortie où les nostres surpris
Eussent perdu sans luy la palme accoustumee.
Nous sçavions qu’à toute heure, au hazard d’un méchef,
Veillant dans la trenchee il souffroit mainte allarme :
Et que ce qu’il commande en grand et sage chef,
Il l’accomplit luy-mesme en valeureux gendarme.
Nous craignions une mine, image des enfers :
Nous craignions ce canon par qui tout se renverse :
Bref, autant que de Mars les perils sont divers,
Autant de nostre peur la face estoit diverse.
Mais nous n’en portons plus les cœurs épouvantez :
Ces frayeurs maintenant sont en nous estouffees :
Et ces divers malheurs par son bras surmontez
Ne luy sont plus perils, ains glorieux trophees.
Princesse à qui le ciel a permis de tourner
Dans le flanc d’où nasquit ce miroir des grands princes,
Esprit que vous verriez mille fois couronner
Si les seules vertus regnoient sur les provinces,
Combien affligiez-vous vostre cœur genereux
Lors qu’à tant de hazards il s’exposoit en proye,
Vous qui de ses succés, heureux, ou malheureux,
Ne vous reservez rien que le dueil, ou la joye ?
Jetter l’oeil du penser sur ses tristes objects,
Vous rendoit de douleur la poitrine entamee :
Et ce qui nous touchoit comme simples sujects,
Vous touchoit comme sœur aimante et bien aimee.