Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est pourquoy maintenant qu’il retourne vainqueur,
La joye et le plaisir qui vos larmes essuye
D’autant plus doucement rit dedans vostre cœur,
Que le beau temps est doux apres la longue pluye.
Aussi devez vous bien ressentir vivement
Son destin quel qu’il soit, favorable ou contraire,
Quand mesme, ainsi que nous, vous l’iriez seulement
Reverant comme roy, non aymant comme frere :
Car c’est ce vaillant prince au malheur si constant
Que pour nostre salut les astres ont fait naistre,
Et qu’on voit témoigner de n’aspirer pas tant
À se rendre obey, qu’à meriter de l’estre.
Quelle sienne victoire (où qu’on jette les yeux)
N’est point de sa clemence un rare témoignage ?
En quel esprit de roy veirent oncques les cieux
Loger tant de douceur avec tant de courage ?
Il s’expose sans crainte aux orages de Mars
Où le plus asseuré de peur deviendroit blesme,
Et diroit-on qu’il pense, au milieu des hazards,
Porter un corps d’emprunt, et non pas le sien mesme.
Puis sentant les lauriers sa teste couronner,
Son esprit se desarme, et semble que la gloire
De pouvoir magnanime aux vaincus pardonner,
Ce soit l’unique bien qu’il cherche en sa victoire :
Aussi de la vengeance éloignant son desir
Sans qu’aucuns accidents la clemence en estrangent,
Son cœur en pardonnant sent le mesme plaisir
Que les plus irritez sentent quand ils se vengent.
Ô France, recognoy que luy seul des humains
Est ton fatal Ancile en ce temps lamentable,
Et qu’à fin de tromper les sacrileges mains
Nul Namure icy bas n’a rien fait de semblable :