Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/139

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Et comblant de bon-heur leurs villes et leurs champs,
Les bons craignent pour eux, et sont craints des méchans.
Ô combien son grand cœur laissa d’illustres marques
De l’heur que ces vertus apportent aux monarques !
Lors que plein de constance il osa tesmoigner
Que regnant pour celuy qui le faisoit regner,
Ces deux divines sœurs du monde separees
S’estoient comme en leur temple en son cœur retirees,
L’accompagnoient par tout, regloient tous ses desseins,
Estoient de son conseil les oracles plus saincts,
Et le guidoient ainsi par la mer de ce monde
Que la boussole guide un vaisseau dessus l’onde.
Elles deux l’égalant aux plus rares esprits,
Luy firent dédaigner, d’un loüable mespris,
Les rois qui se parans d’orgueilleux diadémes
Regnoient sur tout le monde excepté sur eux-mesmes :
Par l’une il bien-heura son esprit genereux,
Et par l’autre il rendit son peuple bien-heureux :
Par l’une, en devenant à soy-mesme severe,
Il fist que son pouvoir se retint de mal faire :
Et par l’autre, en donnant aux loix un libre cours,
Il en retint son peuple, et vit durant ses jours
Le bon-heur de la paix florir en son royaume
Et dans les palais d’or, et sous les toicts de chaume.
Il n’avoit que douze ans quand le decret des cieux
L’assist dedans le throsne acquis par ses ayeux,
Et mit entre les mains de sa virile enfance
Le glorieux fardeau du grand sceptre de France :
Mais comme aux beaux vergers de Blois ou de monceaux
Le soin des jardiniers fait voir des arbrisseaux
Qui dès le second an que leurs branches entees,
Furent heureusement par le tronc adoptees,
Donnent des fruits pareils en grosseur et bonté
À ceux dont les rameaux ont maint lustre conté :
L’air qui rit à l’entour, et les astres propices