Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/146

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Quant à moy, rejettant l’orgueilleuse esperance
Qui nous vient d’ignorer nostre propre ignorance,
Je tiendray mon labeur d’assez d’heur couronné,
Si le parlant pinceau, qu’Apollon m’a donné
Pour colorer les vers, sçait dignement portraire
Les rayons moins luisans dont sa memoire éclaire.
Laissant donc les discours ses combats racontans
À ceux de qui les vers eux-mesmes combatans,
De meurtre et de fureur semblent armer leur stile,
Et faire que le sang de leur plume distille,
Comme estans plus que moy du ciel favorisez,
Je diray bassement les lauriers moins prisez
Qu’il gaigna desarmé, luttant contre les vices,
Et travaillant sa vie en divins exercices.
Car comme je ne puis sa vaillance exprimer,
Aussi ne puis-je voir le silence enfermer
Sous les muettes clefs d’un oubly perdurable
Le soin religieux, et le zele admirable
Qui luy fist desirer, dés sa jeune saison,
D’orner du tout-puissant la visible maison ?
Car en ceste vertu nulle grandeur royale
Ne s’est ailleurs monstrée à sa grandeur égale.
Non pource qu’on luy doit ces sacrez monumens
Que le sauveur du monde entre infinis tourmens
Arrousa de son sang, et dont encor la veuë,
D’une saincte tremeur rend l’ame toute émeuë :
Mais pource qu’abhorrant les pasteurs vicieux
Il se rongeoit le cœur d’un soin devotieux,
Ains brusloit d’une ardeur en sa belle ame éprise
De ne voir commander en la nef de l’eglise
Que des sages, sçavans, et soigneux matelots,
Qui peussent faire teste à l’injure des flots,
Et par leurs saincts labeurs s’opposer à la rage
Des ondes et des vents conspirants son naufrage.
Devoré de ce zele, et craignant en son cœur
De se voir reprocher par la saincte rigueur
Des jugemens divins, le vice et l’ignorance
De ceux qu’il choisiroit dans les parcs de la France,