Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/147

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Pour bergers des troupeaux soubmis à son pouvoir :
Quand son devoir royal l’obligeoit d’y pourvoir,
Avec un soin extréme il épluchoit leur vie,
Encor qu’il la trouvast de loüanges suivie :
Et n’eslevoit jamais aux suprémes degrez
Qui du temple de Dieu sont les thrônes sacrez,
Que ceux qui conjoignans à l’honneur du bien vivre
La doctrine eminente, et la gloire du livre,
Sçavoient en vigilans et fideles pasteurs
Faire eternelle guerre aux esprits imposteurs,
Et soigneux dispenser la celeste pasture
Aux troupeaux du seigneur manquans de nourriture :
Non ceux qui d’ignorance avoient les yeux voilez,
Ou qu’un sçavoir pollu de vices signalez
Faisoit trouver pareils aux Mercures antiques
Assis pres des chemins pour addresses publiques,
Qui collans au pavé leurs immobiles pas,
Du doigt monstroient la voye, et ne la suivoient pas.
Comment pourroient servir de conduite et de phare
À l’ignorante erreur d’un peuple qui s’égare,
Ceux de qui l’ignorance aveuglant les vertus
Ne peut les droits chemins discerner des tortus ?
Ou comment guariroient l’ame impure et malade
Que l’exemple et l’effect plus que tout persuade,
Les eloquents discours de ceux dont les esprits,
Ayans en bien-disant le bien faire à mespris,
Avec leurs actions démentent leurs paroles,
Et font que leurs conseils sont des contes frivoles ?
Non, le sçavant esprit despoüillé de vertu,
Ny le cœur vertueux de sçavoir devestu
Ne peut dans le troupeau que le sauveur allaite
Porter le faix sacré de la saincte houlette,
Avec l’heureux succez que doivent desirer
Ceux qui cherchent à voir la gloire en prosperer.