Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La justice au palais sa balance employer
A peser, non le droit, mais l’argent du loyer :
L’ignorance eslevee aux dignitez suprêmes
Soüiller leur saincteté d’injustices extrêmes,
Et revendre sans honte ou respect d’equité,
Ce qu’indigne elle avoit sans raison acheté :
Bref, voyant son estat prest à faire naufrage,
L’authorité des loix changee en brigandage,
Les publiques larcins de tout fein debridez,
Non seulement permis ains mesme commandez,
Si tost que sa vertu dontant ses adversaires
Se fust assise en paix au thrône de ses peres,
Soigneux il exila de l’empire gaulois
Ceste fatale mort des lettres et des loix :
Imitant du sauveur le magnanime exemple
Qui bannit en courroux les marchands hors du temple.
Que si lors quelque esprit remply de pieté,
Joignant la suffisance avec l’integrité,
Luy faisoit esperer qu’estant esleu pour juge,
La vefve et l’orphelin l’auroient pour leur refuge :
Que du bon droit du pauvre il seroit le sauveur :
Que sans mains aux presens, sans yeux à la faveur,
Constant à la menace, et sourd à la priere,
Il mettroit toute haine et tout amour arriere,
Quand, ainsi qu’un oracle, il s’assieroit au lieu
Où l’homme est à l’autre homme en la place d’un dieu,
C’estoit cet esprit-là que ce genereux prince
Donnoit pour magistrat aux vœux d’une province,
Honoré de la charge à qui l’ordre a commis
Les mysteres plus saincts du temple de Themis.
Desirable saison, mais en vain desiree,
Que le mespris de l’or rendoit toute doree !
Ô combien sous les loix d’un roy si genereux
Ton cours estoit paisible, et tes peuples heureux !
Et luy digne de voir la terre universelle
Rendre malgré les ans sa loüange eternelle !
Par luy l’integrité vivoit dans les esprits :
Et par luy les arrests cessans lors d’estre à prix,