Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/148

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Il faut qu’à la vertu le scavoir se marie
Pour dignement regir sa saincte bergerie.
En vain de son honneur feignants d’estre jaloux
Nous parlons en pasteurs quand nous vivons en loups.
Ainsi disoit ce prince, et le mesme courage
Qui luy tiroit du sein ce vertueux langage
L’en poussoit à l’effect : tant il brusloit de voir
La foy victorieuse, et par l’heureux sçavoir
D’une sage industrie au labeur éprouvee
La vigne du seigneur dignement cultivee.
Le soin de voir fleurir la majesté des loix,
Et ce qui fait regner la puissance des rois,
Ne rendoit pas son cœur moins severe en l’élite
De ceux qu’il balançoit au seul poids du merite,
Quand du glaive public armant leurs justes bras,
Il les faisoit assoir au rang des magistrats
Luisans d’une vertu de scavoir illustree,
Sur les saincts tribunaux de l’immortelle astree.
Les rois ses devanciers de leur gré consentans,
Ou cedans par contrainte au malheur de leur tans
Qui jugeoit la richesse et l’or seul desirable,
Faisoient de ces estats un trafic miserable :
Et ne regardoient point qu’ils mettoient quand et quand
Le bon droit, l’innocence, et l’honneur à l’enquand :
Qu’aux avares esprits ils vendoient la licence
De piller leurs subjets sous ombre de defence,
Et que l’or du méchant à toute heure emportoit
Ce que du plus entier la vertu meritoit.
Luy, voyant cet abus ouvrir ainsi la porte
Aux lamentables maux que l’injustice apporte,
Le méchant se sauver, perir l’homme de bien,
Le bon droit ne servir, le tort ne nuire en rien,
Mais la seule faveur, sous une robbe feinte,
Regner és jugemens sur la raison esteinte :