Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/153

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Il ne la puisoit point dans une autre fontaine
Qu’au surgeon eternel de son juste domaine :
Detestant l’impitié des autres potentats
Qui pour dorer l’orgueil de leurs pompeux estats,
Accabloient leurs sujets de tributs tyranniques,
Et puis les consumans en festins magnifiques,
Et se rians de ceux qu’ils avoient devorez,
Beuvoient sans nulle horreur en leurs vases dorez
Le miserable sang du chetif populaire,
Dont Dieu leur commettoit le soucy tutelaire.
Quel oubly, quel mespris des loix du tout-puissant
(leur disoit ce bon prince aigrement les tençant)
Rend vostre oreille sourde au son de tant de plaintes ?
Inhumains, qui de sang ayant les ames teintes,
Mauvais pasteurs de peuple écorchez vos troupeaux,
Pour changer en draps d’or leurs miserables peaux.
Pensez-vous que le ciel qui hait la tyrannie
Favorise la vostre ou la laisse impunie ?
Non non, il destruira vostre injuste pouvoir :
Et faisant contre vous vos sujets s’émouvoir,
Ce courroux punisseur qui les regnes desole
Vous rendra de grands rois petits maistres d’escole,
Brisera vostre sceptre orgueilleux de tributs,
Vous en ostant l’usage en haine de l’abus.
Ou bien il maudira les cruels artifices
Qu’inventent vos flateurs pour nourrir vos delices,
Et fera que vostre or fondant en vostre main,
Plus vous devorerez et plus vous aurez faim,
Nouveaux erisichthons qu’en fin la rage extréme
Forcera de se rompre et déchirer soy-mesme,
Donnant un chastiment exemplaire et honteux
À cet orgueil impie, à ce cœur impiteux
Qui chargeant ses sujets d’insupportables sommes
Ne tient ny Dieu pour Dieu, ny les hommes pour hommes.
Mais où m’emporte ainsi hors du ton de ma voix
Le recit des propos qu’à la honte des rois
Pressans lors de tributs leurs esclaves provinces,
Prononçoit en courroux ce prince des bons princes ?