Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/154

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Reprenons, reprenons le fil de nostre chant :
Laissons à part le vice, et plustost le cachant
Que l’exposant au jour d’une eternelle histoire,
Retournons aux vertus dont nous chantons la gloire.
Ô qu’un prince est heureux qui reglant son pouvoir
Aux statuts que le ciel propose à son devoir
S’esjoüist de bien faire, et tout sage et tout juste
Ne s’estime regner que quand vrayment auguste
Il a soin de son peuple, et paye en l’escoutant
Ce que tout grand monarque à Dieu va promettant
Quand le manteau royal, sous maints sacrez mysteres,
Entre les cris de joye, et les vœux populaires,
L’investit du pouvoir de qui sont mal vestus
Ceux qui sont dénuez des plus rares vertus !
De tels rois qui prenans la raison pour escorte
Mesurent leur grandeur aux fruits qu’elle rapporte,
Non à l’heur du pouvoir qui les rend florissans,
Non aux peuples divers sous leur joug fléchissans,
Estoit l’illustre prince à qui dans ce cantique
Nous payons ce qu’on doit à tout cœur heroïque.
Car joüissant en paix d’un tranquille sejour,
Il ne laissoit perir la clarté d’un seul jour
Sans donner audience, et d’un sainct exercice
Verser sur ses sujets les fruits de sa justice :
Regrettant en son ame, et tenant pour perdus
Ceux que moins dignement il avoit despendus :
Certain que de l’oeil mesme et de la mesme oreille
Dont l’esprit d’un grand roy dessus ses peuples veille,
En escoute la plainte, et juste a soucy d’eux,
Le seigneur le regarde, et le ciel oit ses vœux :
Que ce pompeux, illustre, et glorieux servage
Qu’on nomme royauté, d’un impropre langage,
Ne se deust appeller, le nommant proprement,
Qu’un onereux honneur, qu’un serf commandement :
Que les rois furent faits pour les peuples du monde,
Non les peuples pour eux : et si la terre et l’onde
Adore