Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/163

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Lors que je m’abysmois dans la fureur de l’onde :
Que nul astre pour moy n’éclairoit plus au monde,
Et que le fier destin m’estoit plus qu’inhumain :
Ce fut luy le premier qui me tendant la main
M’empescha de perir, força l’onde importune,
Et reserva ma vie à plus douce fortune.
Tout le bien souhaittable à l’eternel repos
Des hostes du tombeau puisse honorer ses os,
Les oeillets, et les lis non plus serrez d’espines,
Mais joints à des lauriers dont les vives racines
Ne desseichent jamais, ombragent son cercueil,
Pendant qu’il cueillira, loin de peine et de dueil,
Dans le jardin des cieux les immortelles roses
De toute eternité pour les anges écloses.
Car il m’a fait sentir au fort de mon ennuy
Combien la courtoisie estoit parfaitte en luy,
Voulant ceste belle ame, aux affligez propice,
Que le salaire en moy precedast le service.
Mais s’il vit quelque grand au milieu des mortels
Que je doive honorer de temples et d’autels,
Non chargez nuict et jour de sanglantes victimes,
Mais de parlans tableaux où ses faits magnanimes
Vivent en mille traits de merveilles remplis,
C’est toy, vray parangon des princes accomplis,
Qui sage, et valeureux enrichis la memoire
Du sang de Montpensier d’une eternelle gloire,
Et de qui la vertu reluit si clairement
Que l’heur d’estre un grand prince est ton moindre ornement.
Quel dieu m’enrichira d’une plume doree,
Afin qu’en cent papiers d’eternelle duree
J’escrive la bonté qui conseilla ton cœur
De forcer mon desastre, et vaincre sa rigueur
Par le rare bienfait dont juste et favorable
Tu t’es rendu ma vie à jamais redevable ?
Ô genereux esprits ; je