Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Afin de témoigner qu’un si digne Mecene
N’a point semé du bien dans une ingrate arene,
Puis que le petit champ d’où germe tout mon heur
Luy produit pour le moins quelques roses d’honneur.
Bien sçay-je que payant ce prix à ton merite,
En termes bas et lourds ma langue s’en acquitte :
Mais vaincu des bien-faits dont tu m’as obligé,
J’aime mieux consentir au mal d’estre jugé
Grossier en mon parler qu’ingrat en mon silence,
Et plustost qu’au devoir manquer à l’eloquence.
Vienne doncques ma fin à pas lents ou hastez,
Et soient mes vers un jour mesprisez ou vantez,
Tandis que le destin rendra mon ame hostesse
De ce logis mortel, je te loüeray sans cesse,
Consacrant à ton nom les plus rares douceurs
Du fruit que je ramasse aux jardins des neuf sœurs,
Ainsi qu’à la plus belle et plus genereuse ame
De qui jamais la parque ait devidé la trame.
Car je ne pense point qu’oncques la France ait veu
D’esprit plus que le tien heureusement pourveu
De ces nobles vertus et vrayment heroïques
Qu’on souloit reverer dans les ames antiques :
Ny ne croy point qu’au monde un prince soit vivant,
Qui d’un plus grand courage et plus haut s’élevant,
Suive, entre les erreurs du vain siecle où nous sommes,
Ce qui rend les humains plus hommes et plus qu’hommes :
Qui mieux scache, en fuyant les indignes plaisirs,
Donner à la raison le frein de ses desirs :
Qui plein de vive foy plus humblement encline
Sa mortelle puissance aux pieds de la divine :
Qui d’un esprit modeste et remply de candeur,
Monstrant sa courtoisie égale à sa grandeur,
Plus d’ames tous les jours par ses charmes attire,
Et sur elle s’acquiere un plus puissant empire :
Qui brusle d’un desir plus fidelle à son roy :
Qui mieux prouve aux esprits se fians en sa foy