Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/167

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Mais j’allongerois trop le fil de ce discours,
Et pour finir mon chant mes ans seroient trop cours,
Si proposant aux grands pour eternel exemple
La beauté des vertus dont ton ame est le temple,
J’en voulois vivement les graces exprimer,
Et par tout l’univers leurs loüanges semer.
Les cieux (aymable prince) ont orné ta jeunesse
De si glorieux traits de constante sagesse,
De pieté, de foy, de bonté, de valeur,
Que les muses n’ont point d’assez vive couleur
Entre celles dont l’art surmonte la nature,
Qui dignement en puisse exprimer la peinture :
Tant s’en faut qu’en un œuvre où l’art t’imite en vain,
Une plume vulgaire, un vulgaire escrivain
Puisse representer une beauté si rare,
Et s’eslever si haut sans ressembler Icare.
C’est pourquoy comme ceux à qui l’effroy du Nort
Fait resserrer la voile et rechercher le port,
De peur qu’estant leur nef des ondes engloutie
Un naufrage à la fin l’audace n’en chastie,
J’arreste icy mon cours, me suffisant de voir
Au pied de ce tableau, tesmoin de mon devoir,
Les plus vertueux rendre à tes vertus hommage,
Sous le portrait d’un autre honorant ton image.
Car si quelqu’un se monstre en tout cet univers
Comparable au grand roy qui respire en ces vers,
C’est toy, prince accomply, qui soigneux de l’ensuivre
Fais qu’il se voit au monde en sa race revivre.
Aussi, comme à son sang, et l’un de ses neveux,
Je t’offre icy son hymne avec mes humbles vœux,
Tant à fin de monstrer que ta douceur exprime
D’un roy si vertueux la bonté magnanime,
Qu’à fin de tesmoigner aux siecles advenir
Qu’il t’a pleu loin de moy l’infortune bannir :
Et qu’en ayant acquis par tes mains la victoire,
Mon cœur est obligé d’honorer ta memoire
Autant qu’un homme peut la vertu reverer,
Et sans idolatrie un autre homme adorer.