Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/169

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Icy ces bruits menteurs qui des plus advisez
Remplissent tous les jours les esprits abusez
D’une vaine esperance, ou d’une fausse crainte,
Ne viennent point tromper nos ames de leur feinte :
Ou si pour nous charger d’un frivole soucy,
Quelqu’un poussé du vent parvient jusques icy,
Le démon qui regit ceste douce demeure
Ne permet point qu’il vive et parle plus d’une heure,
Ains l’estoufe aussi tost entre des soins plus doux,
Et des discours plus gais qui regnent parmy nous.
Non autrement qu’on dit qu’une vertu secrete
Dedans l’air épanduë és campagnes de crete
Y defend au terroir d’engendrer des serpens :
Et si quelques vaisseaux par les ondes rampans
En y portent du sein de quelque autre contree,
Fait que vaincus de l’air ils meurent à l’entree.
Icy pendent muets, donnans repos à l’air,
Ces meurtriers instrumens que le feu fait parler :
Sinon lors que leur sein, gros de plomb et de pouldre,
Vomit en éclatant la fureur de sa foudre
Ou sur les animaux habitans aux forests,
Ou sur les passagers volans par les marests,
Oyseaux demy-poissons, de qui l’humide chasse
Fait cueillir du plaisir mesme au cœur de la glace.
Icy ce bruit tonnant dont on oit nos tambours
Changer le guet des nuits à la garde des jours,
Ne rompt point en sursaut l’enchantement du somme
Qui si doux au matin charme l’esprit de l’homme :
Ains un muet silence y nourrit le sommeil
De son jus de pavots sous les voiles de l’oeil,
Depuis l’heure du soir où les terres se taisent,
Jusqu’à tant que la voix des pigeons qui se baisent
Fait entr’ouvrir les yeux, et voir sur l’horison
Le soleil visiter sa dixiesme maison.
Bref, la paix, le repos, et la simple abondance
Ne font plus de sejour en nul lieu de la France,
Ains sont allez trouver les scythes et les turcs,
Où ce petit enclos les loge entre ses murs.