Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/170

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Car comme la demeure en est douce et tranquille,
La terre en est de mesme heureusement fertile
Non en citre ou poiré, mais en ces nobles vins
Qui font gaigner la palme aux costaux angevins
Sur tous ceux de la France, où le pere Lenaee
Porte de raisins blancs la teste environnee.
Aussi le jeu, la joye, et les doux passe-temps
Qui s’engendrent de l’aise en des esprits contens,
Entre mille plaisirs font icy leur demeure,
Tandis qu’à l’environ toute la France pleure.
Et ce qui rend ce lieu de tant d’heur jouyssant,
C’est que l’avare main du soldat ravissant
Qui creintive à la guerre, et hardie au pillage,
Tous les bourgs d’alentour cruellement saccage,
Ne fait point éprouver à ceste terre icy
Ce que peut la licence en un cœur sans mercy,
À qui l’impunité pour solde estant donnee
Arme l’esprit cruel d’une audace effrenee.
Ce bien, cause des biens qui nous vont bien-heurant,
Fait voir le poulet d’Inde, impunêment courant
Parmy les bassecours des maisons mesnageres,
En croissant parvenir à l’âge de ses peres :
Puis ayant accomply les ans de son destin,
Par un jour solemnel honorer le festin
Que son maistre soigneux à ses amis appreste,
Comme une hostie offerte en l’honneur de la feste.
Ce bien rend nos logis de meubles decorez :
Fait voir encore au soir, quand les rayons dorez
Du soleil se couchant tombent en la marine,
Maints troupeaux retourner de la plaine voisine :