Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/173

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Ses malheureux moyens luy tenans lieu d’offence,
Et sa seule rançon estant son innocence.
D’esperer attendrir ces cœurs de diamant,
Ou l’acier de rigueur dont ils se vont armant,
En vain et la priere et la plainte l’essaye :
Leur fierté qui sçait bien que sa proye est sa paye,
Est sourde à tous propos de grace et d’amitié,
Et leurs ames n’ont point d’oreilles de pitié.
Les maux qu’ils font souffrir aux miserables terres
Où les va conduisant la fureur de ces guerres :
Les larmes du pauvre homme eschapé de leurs mains :
Les vieillards tous meurtris de leurs coups inhumains :
La cendre des maisons par leur rage embrasees :
Les bourgades d’autour d’habitans épuisees :
Les cris, l’horreur, l’effroy, qui marchent devant eux
Par tout où s’en répand le torrent impiteux,
Nous monstrent tous les jours combien nostre fortune
Marche en felicité loin devant la commune,
D’avoir un protecteur grand en toute vertu,
Qui parmy tant de maux dont ce regne est battu,
Estend si bien sur nous la grandeur de ses aelles,
Qu’il n’en parvient icy que les seules nouvelles :
Et qu’on ne scauroit plus à nostre heur desirer
D’autre bien que le bien de longuement durer.
Mais à qui des mortels sommes nous redevables
De tant d’heur qui nous suit en ces temps miserables ?
Ô prince genereux, race de ce grand roy
Qui fut des sarrazins la terreur et l’effroy,
Prince dont la vertu soy-mesme se surpasse,
À vous seul apres Dieu nous devons ceste grace :
Le seul respect qu’on porte au nom que vous portez
Rend loin de nostre chef ces malheurs écartez :
Et le soin que de nous vostre esprit daigne prendre,
Fait qu’icy le repos du ciel daigne descendre :
Que ce lieu sert d’asyle aux pauvres affligez
Fuyans de toutes parts de leurs bourgs saccagez :
Qu’icy le laboureur, exempt de toute injure,
Exerce avec les champs son innocente usure :