Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce traict-là de vaillance estonna nos esprits.
Et depuis les destins à vos mains ont appris
En tant d’heureux sujets d’eternelles histoires,
Le glorieux mestier qui gaigne les victoires,
Qu’on peut dire, en voyant vostre ennemy deffaict,
Qu’en vous, combatre et vaincre est presque un mesme effet.
Aussi, tant de valeur reluit en vos armees,
Quand de vostre presence elles sont animees,
Et si peu de desseins ont l’heur d’y prosperer,
Lors que d’autres soucis vous en font separer,
Qu’aussi tost que l’effort de l’espagnole audace
Destruit quelque province ou force quelque place,
Nos vœux et nos desirs ne regardent que vous,
Comme si vous, sans plus, nous teniez lieu de tous :
Bien que le cœur tremblant nous batte en la poitrine,
Deslors tant seulement que nostre ame imagine
Le moindre des perils où presqu’à tous momens
Vous jette le desir de finir nos tourmens,
Voir cet estat paisible, et ces ondes plus calmes,
Et les lis refleurir à l’ombre de vos palmes.
Ah ! Qu’une froide peur n’aguiere s’espandit
Dans le cœur des françois, quand leur ame entendit
Qu’en la derniere charge où l’orgueil de l’Espagne
De son sang et du nostre abreuva la campagne,
Vostre seule valeur vous ayant emporté
Dans le lieu du combat le plus ensanglanté
Par les effects meurtriers du fer et de la flame,
Le malheur avoit veu mainte tremblante lame
Assaillir vostre sein non à l’heure vestu
Que des armes d’un cœur armé de sa vertu :
L’air tout flamber d’esclairs sous le feu des pistoles
Dont la foudre esclatoit dans les mains espagnoles :
Et vous en ceste flamme aux coups vous exposant
Ne voir point le peril ou l’aller mesprisant,