Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/184

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Ne la hazardez plus au peril volontaire :
Obligez de ce bien la France vostre mere
Qui plorant vous en prie, et qu’on voit és combas
Craindre plus un malheur qui vous renverse à bas,
Que desire le gain de cent fieres batailles,
Sçachant bien vostre mort estre ses funerailles.
Delivrez son esprit de ce mortel effroy :
Octroyez au soucy qu’elle a d’un si bon roy,
Que plus vostre valeur aux coups ne se hazarde.
Mais se garde soy-mesme ainsi qu’elle nous garde.
Souffrez qu’elle vous jure, en touchant vos autels,
Que vous estes celuy d’entre tous les mortels
Qui l’obligerez plus vous conservant pour elle,
Que n’ont fait d’autres rois mourant pour sa querelle :
Et cedez au desir de vos humbles vassaux
Qui pensent, vous voyant courir à tant d’assaux,
Voir és plus grands perils dont la guerre est suivie
Leurs femmes, leurs enfans, leur fortune, et leur vie.
Mais las ! à quel esprit sont ces vœux addressez ?
Ou quel dieu me promet qu’ils seront exaucez ?
Helas ! J’espans en vain la voix de mes prieres.
Ce courage amoureux des bourrasques guerrieres
Nous a trop tesmoigné par des faits non pareils
Que la valeur est sourde aux timides conseils :
Et son ame invaincue a trop monstré de croire
Que qui cherit sa vie il mesprise sa gloire.
Que faut-il donc en fin promettre à nos esprits
D’un cœur qui tellement a la mort à mespris,
Que le feu de sa joye esclaire en son visage
Quand il trouve un peril égal à son courage ?
Sinon que le malheur tant de fois mesprisé
Se sera peu vanter de l’avoir maistrisé,
Changeant nos cris de joye en complaintes mortelles,
Et nostre courte paix en guerres eternelles.
J’y pense avec horreur, et le dy souspirant,
Mais quant à moy chetif, je m’y vois preparant :