Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/197

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Le renom des grands rois qui m’ont fait triompher
De cent peuples divers par la gloire du fer,
Forçant les plus fameux en guerriere vaillance,
D’adorer les lis d’or et l’escu de la France.
Là j’esperois de voir la suitte de ses chants,
Courant d’un pas leger par la trace des ans,
Venir jusqu’à ce siecle, et par toute la terre
Publier les beaux faits, tant de paix que de guerre,
De mes princes derniers, et sur tous de celuy
Qui dans sa juste main tient mon sceptre aujourd’huy :
Roy de qui la prudence aux conseils occupee,
A banny de mon sein le regne de l’espee.
Mais à ce que je voy, j’ay vainement nourry
Ceste attente en mon ame en faveur de Henry :
La mort m’a pour jamais ceste gloire ravie :
Ronsard n’est plus vivant : mon espoir et sa vie
Ont fait tous deux naufrage encontre un mesme écueil,
Et tous deux sont allez dans un mesme cercueil.
Ah pere, je sçay bien que nostre obeïssance
Ne doit point murmurer contre ton ordonnance,
Et que des plus grands maux qui nous facent douloir,
C’est rendre la raison qu’alleguer ton vouloir :
Aussi, si retractant ton antique promesse,
Tu me pousses toy-mesme en l’ennuy qui m’oppresse,
Mon ame refrenant ses plus justes regrets,
Humbles baisse la teste, et cede à tes decrets,
Sans reprocher au dieu de qui l’œuvre nous sommes,
Qu’il a le cœur muable aussi bien que les hommes :
Mais si la fermeté de ton premier dessein
Reste encor immuable au profond de ton sein,
Qui donne ceste audace au pouvoir de la Parque
D’enfreindre ainsi les loix du celeste monarque ?
Qu’elle jette donc tout sous les pieds de la mort :
Que les demy-dieux mesme en ressentent l’effort :
Et que, si sa fureur son courage y convie,
Elle me vienne aussi despouïller de la vie,
Encor que ta faveur m’accordant des autels,
Me daigne faire assoir au rang des immortels :
Faveur