Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/196

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Bornent avec son nom la gloire de ses vers :
Et pource appaise toy, consolant par l’attente
De ce bien avenir l’infortune presente.
Ainsi flattant mon dueil et m’essuyant les yeux,
Tu me disois alors, grand monarque des cieux,
Remarquant de Ronsard la future naissance :
Et moy qui me repeu d’une vaine esperance,
J’accoisay mes souspirs, en pensant qu’un tel heur
Me devoit bien couster quelque amere douleur :
Et qu’encor le destin m’estoit-il favorable,
Si pour tant de mes fils couchez morts sur le sable,
Un au moins me naissoit de qui l’estre divin
N’arriveroit jamais à la derniere fin.
Mais, à ce que je voy, ceste douce promesse
Qui ne tendoit alors qu’à tromper ma tristesse,
A trompé du depuis mon esperance aussi :
Car ce divin ouvrier, ma gloire et mon soucy,
Privé des doux rayons de l’humaine lumiere,
Aussi bien comme un autre est allé dans la biere,
Et n’a pas moins payé pour passer Acheron,
Que feroit estant mort un simple vigneron.
Cependant j’esperois (et sans la mort cruelle,
Je croy que cet espoir m’auroit esté fidelle)
Qu’il iroit couronnant d’une si rare fin
L’ouvrage où Francion boit des ondes du Rhin,
Que celuy qui d’Achille a sacré la memoire,
Le suivroit d’aussi loin en immortelle gloire,
Qu’il le precede en âge, et qu’il a surmonté
Tout ce que jusqu’icy les françois ont chanté.
Là je me promettois de voir sa docte plume
Vanger de ce vieillard qui tout ronge et consume,