Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/220

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Les dieux qui de grandeur avec toy symbolisent
Ne pleurent point la mort de ceux qu’ils favorisent :
Mais leur donnent au ciel des thrônes immortels :
Leur font dessus la terre élever des autels :
Couronnent leur vertu, couronnent leur memoire
Des perdurables fleurs d’une immortelle gloire :
Et de tels ornemens sans fin les honorer,
Cela s’appelle en eux les plaindre et les plorer.
Toy Daphnis appaisant ces douloureux alarmes
Plore ainsi ton Lysis sans souspirs et sans larmes :
Non pas luy bastissant des temples comme aux dieux :
Non pas te promettant de luy donner les cieux :
Mais rendant sa valeur à jamais memorable
Par tout ce qui peut rendre un renom perdurable.
Tels effects d’amitié sa gloire eternisans,
Si rien d’humain luy plaist, luy seront plus plaisans
Que tout autant de pleurs qu’en fist oncques espandre
Sur son Hephestion le monarque Alexandre.
Aussi ces larmes-là ne sont que vaines eaux,
Et ces pleurs retirans les morts de leurs tombeaux
Se changent mieux que ceux de qui le Pau se vante,
En l’ambre d’une gloire incessamment vivante.
Ainsi dit Megathyme, et les poignantes fleurs
De ces libres discours, malgré tant de douleurs
Servirent à Daphnis, sinon de Panacee
Guarissant tout d’un coup le mal de sa pensee,
Pour le moins de Nepenthe, en supprimant le cours
Des pleurs qu’il eust versez le reste de ses jours,
Et derechef aux mains luy remirent les armes,
Pour respandre à Lysis autre humeur que des larmes.