Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/222

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Qui calmant ceste Europe enchainoit de ses fers
La rage de la guerre au profond des enfers.
Maintenant ce grand monstre, effroyable aux cieux mesmes,
Suivy de cent fureurs, des meurtres, des blasphemes,
Du sac, et du pillage à ses ailes marchans,
Commence à cheminer parmy nos tristes champs.
Cent bouches de canon vomissans une foudre,
Qui reduit les chasteaux et les villes en poudre,
Rendent sa teste horrible, et font de toutes parts
Trebuscher devant luy les plus fermes remparts.
Il porte fierement ses ailes herissees
De picques au long-bois et de lances dressees :
Et trainant son grand corps rudement escaillé
De fer qu’en mille endroits le sang a tout soüillé,
Cache dessous ses flancs les provinces entieres :
Démembre les humains de ses griffes meurtrieres :
Perd tout, saccage tout, despeuple les citez,
Et transforme en deserts les champs plus habitez.
Desja par tous les lieux où l’emporte sa rage,
Le ciel ne voit plus rien que meurtre, que ravage,
Que laboureurs destruits gemissans et pleurans
Par horreur de leurs maux à la mort recourans,
Que maisons et chasteaux saccagez par les flames,
Qu’horribles forcemens de filles et de fames,
Et bien tost le suivront (si la sage valeur
Et l’heur de nostre roy ne vainc nostre malheur)
Les grands torrens de sang ondoyans par les plaines,
La famine et la peste aux verges inhumaines,
Dont la fureur des cieux justement courroucez,
Chastiera les fureurs des françois insensez.
Vous donc qui recevez du profit de nos pertes,
Vous qui voudriez bien voir nos provinces desertes,
Vous qui depuis le cours de vingt ou de trente ans
Avec nos propres mains nostre gloire abattans,