Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/224

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Receus de part et d’autre en des coups mutuels,
Viennent de ranimer aux meurtres plus cruels
Que la haine conseille à l’esprit qu’elle attise,
L’un et l’autre party qui la France divise,
Rompant tous les liens dont le saint souvenir
Les eust peu quelque jour en un corps reünir.
Ce fameux duc de Guise à qui toute la France
Sembloit devoir prester la mesme obeïssance,
Qu’elle rendoit jadis sous l’empire des loix
Aux maires plus vantez du palais de nos rois,
Il n’est plus, c’en est fait : six mortelles attaintes
Le despoüillant de vie, et son prince de craintes,
L’ont fait choir sur la pouldre où son corps detranché
De la chambre royale a rougy le planché.
Son frere à qui le pourpre environnoit la teste,
Foudroyé des esclats de la mesme tempeste
En a suivy la trace, et tallonné ses pas
Dans le sanglant chemin qui conduit au trespas.
Le peuple forcenant de douleur et de rage,
Pour ces princes esteins, poursuit, volle, saccage
Tous ceux qui pour servir de vengeance à leur mort
Ne veulent point prester la main à son effort,
Ny fausser pour cela le vœu d’obeïssance,
Qui nous lie à nos rois presque dés la naissance.
Paris en ces fureurs rallumant le flambeau
Qui des grandes citez met la gloire au tombeau,
Voire en fin les reduit en campagnes de cendre,
S’est tellement laissee à ses flammes esprendre,
Que sans aucun respect de la grandeur des rois,
Venerable et sacree és plus barbares loix,
Elle a trainé par terre au plus vil de la fange
Les images du sien, et d’une rage estrange
Déchiré, poignardé, par le feu consumé
Tout ce qu’elle a peu voir de ses traits animé.
Le frere des deux morts, à qui parmy les larmes
La crainte et la douleur ont fait prendre les armes,