Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/227

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Pleine d’un grand esprit dont jamais le penser
Vers de petits soucis ne daigna s’abaisser,
Pleine d’une grande ame à qui n’eust peu suffire
Pour l’occuper du tout le soin d’un seul empire,
Elle a si sagement guidé par ces destroits
La nef et de la France, et de nos jeunes rois,
Qu’il faut clorre les yeux aux tableaux de l’histoire,
Ou voir luire par tout les rayons de sa gloire.
Mais en quel ocean et sans rive et sans fonds
S’embarquent mes discours, en racontant les dons
Que le ciel espandit d’une main liberale
Dans le sein genereux d’une ame si royale ?
Mesme à vous que la preuve en a rendus tesmoins,
Veu que la renommee en volle aux quatre coins
De ce grand univers, avec les mesmes aisles
Dont un los immortel volle és bouches mortelles ?
Qu’elle n’ait mille fois de ses seules vertus
Combattu les malheurs qui nous ont abatus :
Qu’elle n’ait preservé de ruine asseuree
La grandeur de ce sceptre à sa fin conjuree,
Lors que son roy mineur d’ans et d’authorité,
En voyoit l’usufruict par le fer disputé :
Qu’elle n’ait quatre fois calmé par sa prudence
Des vents de nos fureurs l’enragee insolence :
Que nous ne luy devions entre tous les mortels
Le bien de voir encor és temples des autels :
Nul de ceux qu’ont portez des siecles si tragiques,
Ne vit tant insensible aux tempestes publiques,
Qui n’en sente le bruit par la terre voler :
Et n’est point de françois qu’on ne puisse appeller
Stupide s’il l’ignore, ingrat s’il ne l’advoüe,
Puis que l’estranger mesme et le sçait et l’en loüe.
Or est ceste princesse, autrefois nostre bien,
Maintenant en la tombe un corps qui ne sent rien :
Et ne l’a peu sauver de la mort temporelle
Ce qui la sauvera de la mort eternelle,
Sa foy, sa pieté, son zele nonpareil,
Et son renom qui voit l’un et l’autre soleil.