Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/233

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Nos prodiges d’erreur, nos traistres felonnies,
Nos rebelles discords, et nos fieres manies
Forceroient maintenant ta plume à confesser
Que la France pourroit cent Hercules lasser,
Et que le ciel ne voit monstre de vice au monde
Dont elle ne soit mere ou nourrice feconde.
Non, nul crime ne regne au milieu des mortels,
Violant le respect que l’on doit aux autels,
Le droit sacré des gens, et la nature mesme,
Qui ne nous ait pollus de quelque offense extresme :
Des vices plus brutaux nous emportons le prix,
Et ce que la fureur de nos cruels esprits
N’a point eu de remords ny d’horreur d’entreprendre,
Nul esprit sans horreur ne le sçauroit entendre.
Helas ! Et pouvions-nous aux siecles avenir
Laisser un plus funeste et sanglant souvenir
De l’esprit insensé qui cruel nous anime,
Que d’oser mettre à mort nostre roy legitime ?
Celuy que nous avions en un temps desolé
Par des vœux si bruslans à l’empire appelé ?
Qui parvenant au sceptre, avoit à son entree
Veu de tant de mortels sa gloire idolatree :
Et que si sainctement Dieu mesme avoit sacré,
Que la rage des mains qui nous l’ont massacré,
Quelques meschans desirs dont la terre soit plaine,
Sembloit estre au dessus de toute audace humaine.
Ah dieu ! Lors que je pense à cet acte maudit,
Et regarde la main que l’enfer enhardit
Au detestable effect de ceste impie audace,
Mon sang gelé d’horreur dans mes veines se glace :
Et bien que le pouvoir de ma juste douleur
Presse ma triste voix de plaindre ce malheur,
L’estonnement conjoint à l’ennuy qui me touche
Interdit la parole aux souspirs de ma bouche.