Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/232

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Et que quand leur humeur à mes yeux defaudra,
Mon cœur, où le surgeon à jamais en sourdra,
Ne verra pas pourtant leur riviere seichee,
Ny moins grosse de dueil pour estre plus cachee :
Comme on dit que maint fleuve en lumiere sorty
Est apres un long cours par la terre englouty,
Qui pour le reserrer en ses veines profondes
N’en va pas tarissant les eternelles ondes.

COMPLAINTE MORT FEU ROY

En fin la cruauté, l’insolence et la rage
Dont nos peuples mutins ont armé leur courage,
En est là parvenuë où le barbare cœur
D’un scythe qui se plaist en la seule rigueur,
Et qui n’a dedans l’ame aucune loy gravee,
Auroit horreur de voir sa fureur arrivee.
En fin l’impieté des rebelles desseins
Prophanant les respects plus sacrez et plus saints
Qui se doivent aux fronts ornez d’un diadesme,
S’est en meschans effects surpassee elle-mesme,
Et se peut bien charger la teste de lauriers,
Si sa main exercee en tant d’actes meurtriers,
Vouloit par quelque audace à nulle autre seconde
Vaincre en meschanceté tous les crimes du monde.
Ô bon pere ancien, de quel temps vivois-tu,
Qui de nos devanciers benissant la vertu,
Tesmoignes qu’en tes ans nul monstre ny vipere
D’humaine impieté n’eut la France pour mere ?
Helas ! Si du destin l’impitoyable cours
Eust fait couler ta vie en ces malheureux jours,