Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/239

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D’une voix que la mort rendoit foible et cassee,
Et d’un piteux regard dont l’ame estoit percee,
Tantost jetté sur terre, et tantost vers les cieux,
Implorer le secours des hommes et des dieux :
La tristesse et l’horreur en nos visages peintes :
Son palais retentir de sanglots et de pleintes :
Les uns se condamner d’extrême aveuglement :
Les autres dire injure à leur vain jugement
D’avoir si bien preveu ce qui nous faisoit plaindre,
Pour y pourveoir si mal quand il le falloit craindre.
Car en fin, que servoient à nos cœurs enchantez
Tant de sages conseils receus de tous costez,
De nous garder de ceux qui souvent sous la feinte
D’un humble et sainct habit ont une ame peu sainte,
Comme si l’un d’entr’eux se fust osé vanter
De pouvoir en vertu Scaevole surmonter,
Si lors que l’infidelle envoyé de Megere
Pour soüiller d’un tel coup sa dextre sanguinaire,
Estoit entre nos mains preparant ce mechef,
Nous luy servions nous-mesme à le conduire à chef ?
Nous-mesmes l’admettions en la chambre royale ?
Et comme tous troublez d’une yvresse fatale
Presque luy descouvrions le miserable flanc
De qui son traistre acier alloit boire le sang,
Aydans à ce malheur ceux qu’une saincte envie
Eust fait, pour l’empescher, offrir leur propre vie ?
Ou suprêmes destins, arbitres de nos jours,
Que souvent vos decrets prennent d’estranges cours !
Et qu’il naist d’accidents en ces lieux lamentables
Qui vainement preveus semblent inevitables !
Helas, il me souvient que quand son pasle corps
Fut mis à reposer en la couche des morts
J’entray dedans la chambre où le plomb qui l’enserre
Gisoit sans nulle pompe estendu contre terre,
Pendant que l’artizan à cet œuvre empesché,
De maint ais resonnant l’un à l’autre attaché
Formoit la triste chambre où la fatale marque
Des fourriers de la mort logeoit ce grand monarque.