Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/238

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Au lieu que le remords de sa cruelle audace
Deust espandre à jamais du pourpre sur sa face.
Mais mon ame s’abuse, un françois n’a point fait
Entreprendre à sa main un si traistre forfait :
Quelque dire d’enfer en homme déguisee,
Pour voir la guerre en France à jamais embrasee,
Et nous rendre odieux mesme aux peuples amis,
Sous le nom d’un françois ce massacre a commis.
Massacre que l’ardeur de nos flammes civiles
À grand’peine expiera par le feu de cent villes,
Et dont le sang versé la poussiere baignant
Boüillonnera sans cesse, à dieu se complaignant,
Tel que boüilloit celuy de ce grand Zacharie
Que de l’ingrat Joas l’idolatre furie
Jadis fist expirer dessous maint coup mortel
Entre les saincts parvis du temple et de l’autel.
Cependant la douleur, le regret, le diffame
En blesse incessamment le plus vif de nostre ame,
Et nous fait en plorant justement detester
Le siecle où nous voyons tels monstres s’enfanter.
Ô dieu, que le destin m’eust esté favorable,
Puis que j’avois à naistre en ce val miserable,
S’il m’eust fait enroller au nombre des vivans
Ou plus tost ou plus tard de six vingtaines d’ans,
Pour ne point attoucher un siecle si barbare
Où le vice est l’habit de qui l’ame se pare,
Et triste ne voir point ce qu’avec tant de dueil
Sainct Cloud, depuis trois mois, a veu devant son œil.
Las ! Outre infinis maux dont ma dolente vie
Estoit de tous costez sans tréve poursuivie,
Falloit-il, pour combler mes malheurs de tous points,
Qu’un si piteux spectacle eust mes yeux pour tesmoins ?
Car je l’ay veu, chetif, et souvent la memoire
En repeint en mon cœur la lamentable histoire :
M’estant tousjours advis qu’au milieu de nos pleurs
Je voy ce pauvre prince estouffé de douleurs,