Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D’humilité, d’honneur, d’esprit, de pieté,
De libre modestie, et de sage gayeté,
Comme tes douces mœurs avant l’âge polies
Mesme en tes petits jeux s’en monstroient embellies ?
Amour qui te voyoit ton âge surpasser,
Et beauté sur beauté tous les jours amasser,
Desja se preparoit à de nouveaux trophees,
Qu’en rendant de desir mille ames eschaufees
Tu luy ferois dresser des plus superbes cœurs
Surmontez par les traits de tes douces rigueurs.
C’est pourquoy maintenant il souspire et lamente
De voir comme la mort a frustré son attente :
Et le travaille tant le despit et l’ennuy
Qui d’un coup si cruel se sont éclos en luy,
Qu’il la feroit mourir pour estre vangé d’elle,
Si le ciel permettoit que la mort fust mortelle.
Mais que nous serviroit qu’amour s’en fust vangé,
Si pour cela ton corps en la tombe logé
N’en peut pas ressortir pour revoir la lumiere,
Une eternelle nuict luy couvrant la paupiere ?
La mort sent elle-mesme un poignant repentir
D’avoir osé si tost tes beaux jours amortir :
Mais voyant luire en toy plus d’effects de sagesse
Qu’en plusieurs dont le poil se blanchit de vieillesse,
Et tes aimables mœurs n’avoir rien d’enfantin,
Elle a pris pour le soir de tes jours le matin :
Et se trompant a creu que ton jeune visage
Dissimulant tes ans luy mentoit en ton âge :
Tant que de ceste main qui tout desole et perd
Elle a cueilly pour meur un fruit encore verd.
Mais si quelque douleur hors d’icy t’a suivie,
D’avoir perdu si tost les plaisirs de la vie,
Ou si d’avoir quitté ces miserables lieux
Quelque regret attaint ceux qui vivent és cieux,
Reçoy pour reconfort de l’ennuy qui te presse,
Que la plus genereuse et plus sage princesse
Que veirent onc du ciel les grands yeux du soleil,
Unique sœur d’un roy qui n’a point son pareil,