Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/281

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effect des changemens que la fuite des jours
Apporte d’heure en heure aux plus fermes amours
Parmy ceux dont la vie est sans cesse agitee,
Faisant vivre Timandre absent de Calithee,
La belle et fiere nymphe à qui sa liberté
Se sousmist dés le jour qu’il en vit sa beauté :
L’impatient desir qui tourmente les ames
Des fideles amants esloignez de leurs dames,
Apres six mois passez se lassa d’endurer
Qu’un malheur l’en eust peu si long temps separer,
Et luy fist naistre au cœur une bruslante envie
De revoir la lumiere esclairante à sa vie :
Bien qu’alors tout espoir se trouvant mort en luy,
Ses yeux ne peussent plus la voir qu’avec ennuy,
Puis qu’elle avoit esteint l’amoureuse estincelle
Du feu qu’auparavant leur ardeur mutuelle
Faisoit vivre en son ame, et renfermé son cœur
Dans les premiers glaçons de sa jeune rigueur,
Car apres l’avoir euë à ses vœux favorable,
Et s’en estre promis une amour perdurable,
De quel oeil eust-il peu la voir lors mespriser
Le feu qui la souloit elle-mesme embraser ?
Tant de rares beautez, autrefois ses delices,
N’eussent plus à son ame esté que des supplices :
Elle n’eust de ses yeux nul regard eslancé
Qui d’un coup de douleur ne l’eust outrepercé :
Ny ces doux entretiens pleins d’appas et de charmes
N’eussent rien en son cœur engendré que des larmes,