Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/285

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Quand au combat naval où les flots de Lepante
Veirent du sang des turcs leur onde rougissante,
Mon frere plein d’un cœur à Mars tout addonné,
Fut prins en combattant, et captif emmené
Par ce fameux corsaire à qui nostre victoire
D’un valeureux guerrier ne ravit point la gloire :
Ne pouvant en l’ennuy dont j’estois maistrisé
Sçavoir comme le sort en avoit disposé,
Ne si son palle corps privé de sepulture
Servoit point aux daufins de cruelle pasture,
Ne si la pesanteur de cent fers inhumains
Chargeoit point jour et nuict ses miserables mains,
J’eu recours, je l’advoüe, à ce muet oracle,
Et le vy là dedans (pitoyable spectacle)
Blessé, maigre, deffait, attaché jours et nuits
Aux ceps, à la cadene, et demy mort d’ennuis :
Tel que je le trouvay sur les flots de Marise
Où soudain je couru racheter sa franchise.
Or si te promettant de pouvoir appaiser
Ton mal par ce remede il te plaist d’en user,
Il est en ta puissance, et l’espace d’une heure
Nous peut rendre au sejour où la nymphe demeure.
Aemile se taisoit, quand un souspir ardant
Fut poussé de Timandre ainsi luy respondant :
Cher amy, ton conseil repeint en ma pensee
La fainte qui trompa l’esperance insensee
Du superbe Ixion, alors qu’il embrassa
Pour Junon une nuë et les vents engrossa :
Non que je le refuse au desir qui me presse
De revoir maintenant ma mortelle deesse,
Car il n’est point d’object sous la voûte des cieux
Qui la representant ne contentast mes yeux :