Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/296

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 sache assez combien les nœuds estroits
Dont le sang les conjoint leur ont acquis de droits :
Mais qui sçait si leur ame ose point d’avantage
Que ce que leur permet la loy du parentage ?
Le sang leur est peut estre un lien foible et vain
Qui leur sert de pretexte et non d’un juste frein :
Et la proximité de si pres les aproche,
Que la pieté mesme y tient lieu de reproche.
C’est pourquoy si par l’art ou tu vas excellant,
Et par quelque secret les secrets decelant
Tu me peux faire voir quelle enfin est ma playe,
Et si du tout la cause en estoit ou fausse ou vraye,
Je te prie ayde moy, ne vueilles plus laisser
En ces doutes mortels mon esprit balancer.
Je sçay que maintenant, durant l’heure qu’il semble
Que la chasse m’arreste, ils se trouvent ensemble :
Car pour avoir monstré que mon oeil s’offençoit
De voir que ceste honte en nul temps ne cessoit,
L’effect dont j’ay rendu ma complainte suivie,
C’est d’avoir par la crainte augmenté leur envie,
Et gaigné seulement ce miserable point
Sur l’éhontée ardeur du desir qui les point,
Qu’à ceste heure on epie avec moins d’impudence,
Et quelque plus grand soing, les jours de mon absence.
J’ay cogneu le pouvoir de ce verre enchanté
Qui n’aguere tenoit ton regard arresté :
Je sçay que j’y puis voir, si ses vertus ne cessent,
De quels contentemens à ceste heure ils se paissent :
Pour Dieu satis-fay moy de ce juste desir.
Et soit que j’en recueille ou douleur ou plaisir,
Fay moy voir si leur vie exerce une franchise
D’amants ou de parents, chastiable ou permise.
Ainsi par la Gernande, et tandy qu’il parloit
Le jaloux cœur d’Ogiere en soy-mesme voloit