Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/305

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 le vit en sortir superbe encor du gage
Ravy sur son honneur par un recent outrage.
Quels furent les propos que presqu’avec horreur
Le vieillard respondit condamnant son erreur,
D’avoir sur le rapport de tesmoins si perfides
Commis deux si sanglants et cruels homicides,
Ma langue le taira, pour dire qu’à l’instant
Aux fraudes des demons ces malheurs imputant,
Il commanda qu’Ogiere avec soin enchainee,
Dans les liens publics fut sur l’heure amenee,
Compagne de Gernande à qui fut pour maison
Donnee au mesme temps une estroitte prison.
Ce decret s’execute, on prend l’enchanteresse :
On l’ameine captive, et l’aide tromperesse
Du prince des demons qu’en vain elle invoqua,
Trompant son esperance au besoin luy manqua :
Bien qu’elle s’en promist qu’une nuë insensible,
Si tost qu’il luy plairoit, la rendroit invisible :
Ou des pegases d’air pour sa fuite attelant,
L’enleveroit au ciel dans un coche volant.
La justice divine assistant à l’humaine,
Rendit lors sa magie et son attente vaine :
Et celle qui voyoit dans un verre animé
Le geste des absens sans mensonge exprimé,
N’y vit point son malheur, ny la course hastive
De ceux qui s’avançoient pour la rendre captive,
Devant que prevoyant ce mal l’envelopper,
Elle peust par la fuite aux liens échapper,
Et si, fichant la veüe au poly de sa glace,
Dés le temps qu’emporté de fureur et d’audace,
Hors de devant ses yeux Gernande estoit sorty,
Son regard peu souvent s’en estoit diverty :
Mais l’heure estoit venuë où l’erreur de sa vie
D’une pareille fin devoit estre suivie.
Aussi cognoissant bien que les malheureux jours
En estoient arrivez aux bornes de leur cours,
Dés qu’elle oüit tonner contre son imposture
L’impitoyable mot de gesne et de torture,