Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/307

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Et croit-on que son ame avoit esté ravie
De ceux qu’elle advoüoit l’avoir long temps servie,
Pour les foudres, les vents, la tempeste et le bruit
Qu’on avoit entendus, par l’obscur de la nuict,
Eclatter dedans l’air à l’heure imaginee
De sa maudite vie icy bas terminee.
Quant au triste Gernande, et la publique voix,
Et le senat contraint par la rigueur des loix
Qui tiennent là l’oreille aux faveurs estoupee,
Condamnerent sa teste au trenchant de l’espee,
Non sans regret de voir un cœur si valeureux
Mourir des lasches coups d’un fer si malheureux.
Aussi fut differé l’arrest de son supplice
Avec tout ce qu’on peut d’équitable artifice :
Mais ceste pitié-là n’alla rien avançant :
Car un parent d’Aimonde, homme illustre et puissant,
Qui possedoit l’oreille et la grace du prince,
Et qui presque estoit craint des grands de la province,
Voulant que ceste offence eust son juste guerdon.
Luy fit tousjours fermer les portes du pardon :
Pardon que de luy mesme, outré de repentance,
Il alloit dédaignant d’une extreme constance,
Et d’un cœur irrité contre sa propre erreur,
Monstroit d’avoir la grace et la vie en horreur,
Depuis qu’il eut appris de la bouche d’Ogiere
Combien sa main estoit injustement meurtriere.
Ah ! Que ne dist-il point accusant ce forfait,
Quand par le repentir rendu palle et deffait,
Il vint sur l’eschauffaut, miserable victime,
Avec son propre sang laver son double crime !
Ô, dit-il, chere Aimonde, autrefois ma moitié,
Je ne te requiers pas que tu prennes pitié
De ton propre meurtrier, se joindrois l’impudence
D’une injuste requeste à ma barbare offence :
Mon bras encor soüillé des marques de la mort
Que je sens, malheureux, t’avoir donnee à tort,
Repugne à ceste grace,