Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/320

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L’honore d’une amie et courtoise parole,
Et de ces doux propos luy-mesme le console :
Qui que tu sois, pren cœur, et mettant pour jamais
La gent grecque en oubly, sois nostre desormais.
Mais respons sans mensonge et me dy je te prie,
Ceste effigie enorme où l’humaine industrie
Represente un cheval de si grande hauteur,
Quel dessein l’a basty ? Quel homme en est l’autheur ?
À quel bien peut servir ce grand faix de la terre ?
Est-ce quelque mystere ou machine de guerre ?
Ainsi luy dist Priam : et cet esprit rusé,
Sçavant en l’art des grecs, aux fraudes disposé,
Levant les mains au ciel libres de leur estreinte :
Feux eternels, (dit-il) lumiere pure et sainte,
Qui luis inviolable au serment des mortels :
Et vous que j’ay fuis, detestables autels,
Homicides cousteaux, rubans mis sur ma teste
Comme sur une hostie à tomber toute preste,
Je vous prens à tesmoins que je puis sans peché
Descouvrir le secret plus saint et plus caché
Du mystere des grecs, haïr la gent cruelle,
Et si quelque dessein en leurs cœurs se recele,
L’espandre emmy les vents, comme franc de la loy
Dont jadis ma patrie avoit esteint ma foy.
Tant seulement, ô Troye, observe ta promesse :
Et vueilles, toy sauvee, estre ma sauveresse,
Si par mes vrays discours je procure ton bien,
Et fais que ton salut soit le payement du mien.
Tout l’espoir que les grecs logeoient en leur pensee
D’une guerre si longue à leur dam commencee,
Eut tousjours pour appuy la faveur du secours
Dont la grande Minerve en secondoit le cours.
Mais depuis que l’impie et superbe Tydide,
Et le traistre ithaquois, ce cruel homicide,
Oserent, déguisez, ravir outre son gré,
Hors de l’antique temple à son nom consacré,
Sa fatale effigie, avec ces mains cruelles
Qui venoient d’en meurtrir les gardes plus fidelles,