Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/324

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De qui, sans nul respect, la sacrilege atteinte
Avoit blessé les flancs de la figure sainte :
Criants qu’il faut sur l’heure en son siege poser
Ce fatal simulachre, et Minerve appaiser.
Adonc, comme en fureur, nous ouvrons nos murailles
Et de nostre cité descouvrons les entrailles :
Tous s’occupent à l’œuvre : on sou-met promptement
Aux bazes de ses pieds le glissant mouvement
De maint rouleau poly, puis on le tire à force
De gros chables de chanvre et d’estouppe retorse.
La fatale machine enjambe nos rempars,
Grosse d’hommes armez, sanglant germe de Mars.
Force jeunes garçons, et vierges couronnees,
Où rit la tendre fleur des plus belles annees,
Devant et tout autour chantent des hymnes saints,
Glorieux d’en toucher les cordes de leurs mains :
Elle glissant tousjours sur le rouleau mobile,
En fin en menaçant coule au sein de la ville.
Ô ma chere patrie, ô demeure des dieux,
Ô remparts dont la gloire atteignant jusqu’aux cieux
S’est par tant de combats à jamais illustree !
Quatre fois ce grand corps s’arresta sur l’entree :
Quatre fois, comme prest à trahir son dessein,
Il fist bruire au heurter les armes de son sein.
Mais lors nous aveuglant la fureur de nos ames,
Et bruslants de le voir logé dans nos pergames,
Nous n’y prismes point garde, ains d’un bras obstiné
Tirasmes au chasteau ce monstre infortuné.
Mesme, en nous predisant nos tristes adventures,
Cassandre ouvrit adonc aux fortunes futures
La bouche à qui l’arrest d’une divine loy
N’a point permis que Troye ait onc adjousté foy.
En fin nous malheureux, nous à qui la lumiere
D’un si funeste jour luisoit pour la derniere,
Avec joye