Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/325

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 embrassants les causes de nos pleurs,
Nous voilons les autels de rameaux et de fleurs.
Cependant le ciel tourne, et la nuit étoillee
Avec son manteau noir sort de l’onde sallee :
Et dedans son grand ombre épandu sur les yeux,
Enveloppe et la terre, et les plaines des cieux,
Et les ruses des grecs : un silence tranquille
Succede aux prochains bruits murmurants par la ville :
Le sommeil tient par tout les troyens embrassez,
Donnant un doux repos à leurs membres lassez.
Et ja sous la faveur de la splendeur amie
Qu’en silence épandoit l’amante de Latmie,
Les ennemis voguants dessus les flots chenus,
Retournoient de Tenede aux rivages cogneus :
Quand la royalle nef, seul phanal de l’armee,
Eleve pour signal une flamme allumee :
Et le traistre sinon, guaranty de la mort
Par l’ennemy conseil de nostre mauvais sort,
Ouvre secrettement l’invisible jointure
Des aiz qui receloient les grecs en leur closture.
Le grand ventre de bois, dont ils estoient couverts,
Les rend soudain à l’air par ses flancs entr’ouverts :
Et joyeux pour le sang qu’ils s’en alloient épandre,
Sortent de leur embusche et Sthenele, et Tisandre,
Et le cruel Ulysse, et Thoas apres luy,
Coulez par un cordeau hors de ce grand étuy :
Le superbe Athamas, le fier Neoptoleme,
Et celuy qui forgea ce sanglant stratageme,
L’ingenieur Epee enseigné de Pallas,
Le sçavant Machaon, et l’ardant Menelas.
Lors, les armes au poing, la ville ils envahissent
Que le somme et le vin par tout ensevelissent :
Mettent à mort le guet assis sur les remparts :
Saisissent une porte, et puis de toutes parts
Reçoivent par sa gueule en haste deffermee,
Les autres legions du corps de leur armee.
Or estoit-ce sur l’heure où l’on sent le sommeil
Commencer à coller les paupieres de l’oeil,