Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/337

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Abordez quant et luy lancent de toutes parts
Des feux au haut du toict, vollans entre les dards.
Luy mesme des premiers empoignant une hache
Rompt le seuil de la porte, et fierement arrache
Les poteaux de leurs gonds, redoublant tant de fois
Les coups du fer aigu, qu’ayant creusé le bois,
Tranché la poutre mesme, et dissous leur jointure,
Il fait beer entr’eux une large ouverture.
Lors le cœur du palais se découvre au dehors :
Les salles au grand front en paroissent alors :
Et le pompeux orgueil des chambres magnifiques,
Retraites de Priam et des rois plus antiques :
Lors on voit à l’entree, arrangez flanc à flanc
Ceux qui pour sa deffense ont dévoüé leur sang.
Mais aux parts du logis le plus loin reculees,
Maints lamentables cris, maintes voix desolees
Se confondent ensemble, et les oit on urler
De piteux cris de femme épandus dedans l’air.
Le son en porte au ciel les plaintes gemissantes !
Les dames en plorant errent toutes tremblantes
Par ces grands corps d’hostel ja du feu menassez,
Et donnent des baisers aux poteaux embrassez.
Pyrrhe presse et fait voir qu’en luy se renouvelle
La violente ardeur de l’ame paternelle.
Ny gardes ny cloisons n’y peuvent resister.
Le bellier au front dur, à force de hurter
Jette la porte à terre, et d’un effort extrême
Fait en fin hors des gonds tomber le poteau mesme.
La force ouvre le pas : les grecs à l’heure entrez,
Massacrent en fureur les premiers rencontrez :
Inondent tous les lieux du debord de leurs armes,
Et font couler par tout ou le sang ou les larmes.
Avec moins de fureur se ruë emmy les champs,
Enflé de maints torrents des hauts monts trebuchants,
Un fleuve dont les flots renversans leurs chaussees,
Furieux du surcroist des ondes amassees,