Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Des cruels assiegeans force fléches en vain,
Et qui sans nul effect leur voloient de la main.
Là s’élevoit en l’air le mal-joinct edifice
D’une hautaine tour bastie en precipice,
D’où bien souvent nostre oeil, courant de toutes parts,
Voyoit Troye à l’entour, et ses larges ramparts :
Voyoit les pavillons de tout le camp Argive,
Et plus loin leurs vaisseaux flottans pres de la rive.
Avec le fer en main assaillans ceste tour,
Et par où les planchers déjoints tout à l’entour
Monstroient leur liaison du comble détachee,
L’ayans finablement de son siege arrachee,
Nous la poussons en bas : elle adonc qui se suit,
Traine apres sa ruïne un grand et sonnant bruit,
Et de sa cheute esparse en tombant ensanglante
Force rangs ennemis que son faix accravante :
Mais d’autres succedans, on voit tousjours en l’air
Les cailloux et les dards poursuivre de voller.
Là, Pyrrhe tressautant d’une insolente joye
Brave devant la porte, et tout armé flamboye
D’un brillant feu d’airain dont semble estre embrasé
Son harnois reluisant aux flammes opposé :
Tel qu’on voit au printemps lever son cou superbe,
Apres s’estre saoulé de quelque mauvaise herbe,
Le serpent que l’hyver sous la terre courroit
Tout enflé de gelee et tout transi de froid.
Maintenant dévestu des peaux de sa vieillesse,
Et fraischement luisant d’une neuve jeunesse,
Il plie en cercles ronds son dos souple et glissant,
Dresse haut au soleil, d’un geste menaçant,
Sa teste grise-verte, et sa veuë allumee,
Elançant les trois dards dont sa langue est armee.
Là, Periphe au grand corps secoüant un brandon,
Là son porte-bouclier, l’ardant Automedon,
Et comme un ruineux et tempesteux ravage,
Tout le jeune escadron de Scyre au verd rivage,