Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/356

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AU MESME SEIGNEUR CARDINAL

Vous voyant habiter des terres desolees
Où tout est par le feu destruit et saccagé,
De soucis combatu, de perils assiegé,
Passant mesme les nuits de soin entremeslees :
Nous cueillons à regret par ces fresches vallees
Les fruits delicieux dont leur flanc est chargé,
Et de ces beaux jardins où Zephyre est logé,
Nous foulons à regret les plaisantes allees.
Non qu’estant devenus de nous-mesme ennemis
Nous ayons en horreur les delices permis
Dont entre tant de maux le bien nous daigne suivre :
Mais un public ennuy dedans l’ame nous poind,
Voyant que loin d’icy vous ne joüissez point
De l’aise et du repos où vous nous faites vivre.

A LUY-MESME

Tout ce que la fureur de la guerre cruelle
Nous a laissé de biens non touchez du volleur,
Prince plein de bonté, nous le devons à l’heur
D’estre comme à couvert sous l’ombre de vostre aisle.
Sans vous nous sentirions la playe universelle
Remplir nos tristes champs de plainte et de douleur :
À toute heure un effroy pallir nostre couleur,
Et nostre bien servir de rapine eternelle.