Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/502

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En dessein de passer aux nations estranges
Pour moissonner ailleurs de nouvelles loüanges.
L’armet qui luy couvroit le front et les cheveux
Sembloit en se mouvant briller de mille feux :
Une riche forest de plumes azurees
Rendoit un fier ombrage à ses armes dorees :
Et le tranchant acier qui luy pendoit du flanc,
Appris dans les combats à se paistre de sang,
Comme tout affamé de son mets ordinaire,
Monstroit de demeurer l’hoste mal volontaire
Du superbe fourreau qui de perles semé,
Dans une prison d’or le tenoit enfermé.
Sur ce riche fourreau vivoient par la sculpture,
De cet esprit dont l’art anime une peinture,
Les faits que la vaillance a le plus signalez,
Soit durant le long cours des siecles escoulez,
Soit durants les presents, par la main des monarques
De qui tout l’univers porte encores les marques.
Là, dans l’eau du Granique, et sur les rouges bords,
(non lors rives d’un fleuve, ains montagnes de morts)
Alexandre forçoit la victoire elle-mesme
D’asservir tout le monde à son seul diadesme.
Là, le vaillant Cesar foudroyant de sa main
La puissance et du peuple et du senat romain,
Et soumettant leurs loix aux loix de son espee,
Terraçoit soubs ses pieds les lauriers de Pompee,
Qui tout pasle, et saisy d’effroy non attendu,
Quittoit et la Pharsale, et son camp esperdu.
Quoy ? Tu fuis grand Pompee, abandonnant la gloire
Tant de fois recueillie és champs de la victoire,
Et s’enfuyans les tiens le premier tu les suis !
Il est vray qu’à ce coup c’est Cesar que tu fuis :
Voila ta seule excuse, et le bras qui te dompte
T’apporte au moins ce bien qu’il amoindrit ta honte.
Sur le bout de l’espee où l’or n’estoit meslé
D’aucun autre metal ny plein ny cizelé,
Nostre roy tout couvert de poudre ensanglantee,