Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/507

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C’est pourquoy, ce malheur renaissant tous les jours,
Ny rien n’ayant pouvoir d’en supprimer le cours,
Et sentant que ma gloire en est presque ternie,
Quand mon nom s’attribuë à leur fiere manie,
Afin de ne plus voir ces aveugles esprits
Faire tomber ma gloire en un juste mespris,
Et mes graces par eux se convertir en vices,
J’allois chercher ailleurs de plus saincts exercices,
Aymant mieux voir des cœurs si peu maistres de soy
Ne me posseder point, que d’abuser de moy.
Icy se teut Andrie, et de ce doux langage
L’ange en luy respondant luy flatta le courage.
Certes Nymphe ta plainte a beaucoup de raison,
Mais excuse les feux de la jeune saison.
Il est plus mal-aisé que peut-estre il ne semble,
D’estre jeune, et françois, et sage tout-ensemble.
Ce mal vient d’une erreur gravee en leur penser,
Qu’un esprit courageux qui se sent offenser,
Ne doit (s’il tient sa vie aux armes occupee)
Rechercher sa raison en rien qu’en son espee ;
Et qu’un signe, un clin d’oeil, un umbre seulement
Suffit pour offencer un noble sentiment.
Pernicieuse erreur, et qui rend inutiles
Tous les throsnes des loix guerrieres et civiles :
Car le glaive public trenche ou menace en vain,
Si du glaive privé chacun s’arme la main :
Et vaine est la justice aux magistrats suprêmes,
Si les sujets ont droit de se la faire eux-mesmes.
Aussi ne croy-je pas qu’un si sanglant malheur
Accompagne tousjours leur fameuse valeur :
Le frein des sages loix qu’avec tant de prudence
Leur prince arme aujourd’huy contre ceste licence,
Bridera leur audace, et monstrant un sentier
Par où, ce cher honneur restant en son entier,
Un cavalier pourveu d’adresse et de courage
Leur aille demander raison de quelque outrage,
Collera leur espee au fond de son estuy ;
Sinon quand en l’ardeur de combattre pour luy