Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/524

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Croit l’avoir fait luy-mesme, et s’en plaist, et s’en vante,
Et trouve qu’en ses doigts l’ignorance est sçavante.
Ce n’est point vostre espee, ô mortels insensez,
Ny l’art de vos conseils sagement pourpensez
Qui termine pour vous les combats en trophaees,
Ou rend en vos estats les guerres estouffees :
C’est la dextre du ciel dont l’invisible effort,
S’armant pour vous sauver, fait faire alte à la mort :
Aux perils, aux mal-heurs, aux funestes orages
Qui venoient pour vous perdre en leurs sanglants ravages :
Et puis les destournant sur les chefs ennemis,
Au lieu des vers lauriers qu’ils s’en estoient promis,
Y jette et du desordre, et des terreurs paniques,
Et des troubles naissants de discordes publiques,
Ou quelqu’autre malheur qui les fait devant vous
Eux mesmes se destruire, ou tomber sous vos coups :
Tellement que vos mains alors victorieuses
S’en trouvent remporter des palmes glorieuses
Qu’en fin mille oliviers ceignants d’un tour espais,
Il advient que chez vous tout est victoire ou paix.
Et cependant ingrats vos aveugles pensees,
Sans voir que ces faveurs de là haut sont versees :
S’en consacrent la gloire, et rapportent l’honneur
De ces celestes dons à tout fors qu’au donneur.
Ô mal-heureuse terre ! ô sablon infertile !
Que nul soin n’a pouvoir de rendre moins sterile !
Que la pluye endurcit par un contraire effect,
Et qui ne reçois rien si mal deu qu’un bien fait ?
Rapporte mal-heureux, rapporte l’origine
Des ces divins ruisseaux à la source divine :
À ce bien qui, parfait, ne peut non plus cesser
De t’obliger à soy, que toy de l’offencer.
Fay renger son honneur par toutes tes provinces,
Si la faveur du ciel t’assied entre les princes :
Basty luy dans ton ame un pur et vif autel,
Et que ton cœur en soit l’holocauste immortel :
Adore sa puissance, et l’invoque, et t’y fie,