Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/525

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Et tous meschans desirs dedans toy crucifie ;
Et tu n’auras que faire, encontre aucun mal-heur,
Ny de tant de conseils, n’y de tant de valeur.
Car estendant sur toy sa dextre tutelaire,
Quand tout le monde entier armé pour te deffaire
Te viendroit assieger, et que de nulles parts
Ne t’en pourroient sauver ny fossez ny remparts :
Au milieu des mal-heurs dont tu craindrois l’atteinte.
Il te guarantiroit des causes de ta crainte,
Et les tiens preservez des dangers du trespas,
S’estonneroient de vaincre et ne combattre pas.
Tes seules oraisons mettroient cent camps en fuitte :
Et quelque heureux Caesar qu’ils eussent pour conduite,
Tu te verrois aux yeux de cent chefs opposez,
Combattant à genoux vaincre les bras croisez.
Encor son ange armé recourroit à l’espee
Qui du sang d’Assirie un jour fut si trempee :
Encor Sennacherib bravant en son orgueil,
Trouveroit Ezechie avec la larme à l’oeil,
Le combattre de vœux, comme de quelque charmes,
Et feroyent plus d’effet tes larmes que ses armes.
Pourquoy donc vainement osons nous consulter
Laquelle c’est de nous qu’on doit le plus vanter ?
Celle qui donne à Dieu, celle en fin qui le donne,
C’est celle à qui plustost on doit ceste couronne ;
Puis que le possedant on possede tout bien,
Et que ne l’ayant point, quoy qu’on ait, on n’a rien.
Non non, que la valeur ny la prudence mesme
Ne se reputent point l’honneur d’un diadême :
J’ay veu de vaillants rois, j’en ay veu de prudents,
J’en ay veu d’esprouvez contre tous accidents,
Et de qui la constance estoit incomparable,
Borner leurs tristes jours d’une fin miserable :
Mais je n’ay jamais veu finir que bien-heureux
Les roys qui servants Dieu l’ont faict regner sur eux,
Et qui durant les maux qui leur menoyent la guerre,
Sacrifiants au ciel les pensers de la terre,