Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/528

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Les discours d’Eusebie ayants prins fin icy,
Dicee ouvrit la bouche, et repartit ainsi.
J’ay long temps escouté, restreinte en mon silence,
Mais ny de vos raisons, ny de vostre eloquence
Je n’ay rien recueilly, quoy que j’aye entendu,
Fors que l’on s’attribue un honneur qui m’est deu,
Qu’on me prive d’un bien dont je suis la nourrice,
Et que peu justement on traicte la justice.
Car si quelque vertu merite de regner,
Ou d’un pas eternel les rois accompagner,
Et faict d’un plus grand lustre esclairer leur memoire,
C’est moy qui justement puis m’en donner la gloire :
Estant celle qui rend, par un mesme soucy,
Et les rois bien-heureux, et leurs sujets aussi :
Celle d’entre les dons que le ciel mesme avoüe,
Pour qui le plus un peuple ou les blasme ou les loüe :
Qui destruit les mutins ensemble conspirants :
Qui fait les justes roys differer des tyrans :
Qui depart à chacun la digne recompense
Que son bien-fait merite, ou qu’attend son offence ;
Et sans qui ces deux mots si feconds en debats,
Mien, et tien, mettroient tout en desordre icy bas.
Non que mon ame aveugle ignore en quelle estime
Andrie il faut avoir ton esprit magnanime,
Et ne sache quels biens ensemble vous joignez
Eusebie, et Phronese, és cœurs où vous regnez :
Mais (toy hors, Eusebie, à qui plus je defere
Qu’à toutes les grandeurs que le monde revere)
Une seule de vous ne produict ses effects
Ny riches de tant d’heur, ny du tout si parfaits,
Que souvent quelque mal ne les suive à la trace
Qui leurs bien-faits égalle, et presque les efface.